Si le Canada tient vraiment à abolir l’esclavage moderne, prouvons-le.

JF

par Julie Francoeur

La Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage se déroule le 2 décembre.  

Il se trouve que les membres de la Chambre des communes examinent actuellement une proposition de loi visant à s’attaquer aux enjeux concrets du travail forcé et du travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement.  

Le projet de loi S-211 sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement répond à nos engagements internationaux en matière de lutte contre l’esclavage moderne.  

Selon l’Organisation internationale du travail, on estime que 40,3 millions de personnes sont victimes de l’esclavage moderne. Le bilan est choquant : pour chaque millier de personnes dans le monde aujourd’hui, 5 à 6 sont victimes de l’esclavage moderne, dont 1 victime sur 4 est un enfant.  

Bien que ce projet de loi soit un pas dans la bonne direction et que le travail accompli jusqu’à présent soit louable, pour des millions de personnes, la dure réalité exige plus que de simples mesures d’incitation au changement ; pour s’attaquer à l’esclavage moderne, il faut examiner les causes profondes des violations des droits de la personne qui continuent d’affliger les chaînes d’approvisionnement et reconnaître sans réserve la responsabilité intégrale des entreprises canadiennes dans la résolution de ces problèmes.    

Le projet de loi S-211 ne demande aux entreprises guère plus qu’un rapport sur « ses processus de diligence raisonnable relatifs au travail forcé et au travail des enfants ». Le projet de loi n’impose aucune obligation de diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Des mécanismes antérieurs similaires se sont avérés insuffisants pour s’attaquer aux causes structurelles des violations des droits de la personne.  

En outre, nous ne pouvons pas espérer lutter efficacement contre le travail forcé et le travail des enfants sans nous attaquer aux causes profondes de ces violations, qui découlent d’autres violations généralisées des droits de la personne. Tous les droits de la personne sont inaliénables et sont liés les uns aux autres. Si l’on néglige de s’attaquer aux multiples problèmes qui mènent à l’esclavage moderne, on aboutira à une législation bancale qui ne sera pas à la hauteur de ses ambitions.   

La législation doit donc aller plus loin et viser à ouvrir la voie à une loi véritable sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne, qui mettrait le Canada au même niveau que la législation similaire actuellement proposée par l’UE et s’inscrirait dans la continuité des recommandations formulées par le groupe de travail de l’ONU. La réglementation sur le devoir de diligence en matière de droits de la personne peut profiter à tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement et fournir un ensemble cohérent de directives qui favorisent les pratiques de production et de commerce durables. Un cadre législatif solide devrait soutenir et inciter les entreprises de toutes tailles à contribuer à la lutte contre l’esclavage moderne et à réparer les violations des droits de la personne dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les consommateurs du Canada cherchent de plus en plus à soutenir les entreprises qui font preuve de solides pratiques en matière de droits de la personne et de l’environnement, et le bon type de législation ne pourra que renforcer la confiance des consommateurs et consommatrices en général.  

Un choix important s’offre à nous; ne le sous-estimons pas. Continuerons-nous à faire du rattrapage dans la lutte pour les droits de la personne ou plongerons-nous dans l’action pour mener le changement ?  

Julie Francoeur est Directrice générale de Fairtrade Canada, la section canadienne de Fairtrade International, un leader mondial en matière de normes de commerce équitable. Fairtrade Canada travaille avec plus de 200 entreprises canadiennes pour aider à construire des chaînes d’approvisionnement durables.

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