Des productrices et des producteurs Fairtrade misent sur les plateformes en ligne pour accroître la valorisation de leur café
L’Ouganda est le premier exportateur de café et le deuxième producteur en Afrique. Le pays gagne ainsi des millions de dollars en devises étrangères par an. Cette vibrante industrie du café repose sur les épaules de millions de petites activités agricoles qui produisent la majeure partie du café du pays.
Située à environ 150 kilomètres de la capitale ougandaise, la Kampala-Kibinge Coffee Farmers’ Co-operative Society compte 1 924 caféicultrices et caféiculteurs. Tout au long de l’année, ceux-ci mènent diverses activités agricoles et, chaque saison de récolte, livrent un excellent café robusta grâce aux sols fertiles de la région, ombragés par des arbres à une altitude de 1 200 m à 1 600 m au-dessus du niveau de la mer. La coopérative décrit le goût de son café comme caramélisé, vanillé chocolat, doux-amer, d’une acidité modérée, au corps rond et lisse, présentant un arôme doux et un arrière-goût agréable. Kibinge est certifiée Fairtrade depuis 2012 et la qualité de son café lui a permis d’augmenter et de maintenir un volume d’exportation constant (de 270 TM en 2012 à 945,7 TM pour l’exercice 2018-2019). Ce café est destiné aux acheteurs Fairtrade situés principalement en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
Cap vers la valorisation du café
La majeure partie du café ougandais, comme celui d’autres pays africains, est exportée sous forme de grains verts et la valeur ajoutée se fait dans les pays consommateurs. Lors de la création de la coopérative en 2009, cela faisait partie des motivations de Kibinge — soit s’engager dans la chaîne de valeur complète du café — pour atteindre son objectif plus ambitieux qui est de générer des revenus pour soutenir les agricultrices et les agriculteurs membres et l’organisation. En 2017, l’idée de transformer le café en poudre pour permettre au personnel, aux agricultrices et aux agriculteurs membres de profiter du café de qualité cultivé dans leur propre jardin est née lors d’une séance de réflexion de routine à la coopérative. Il a été décidé de former les jeunes à la gestion de la qualité, notamment aux bonnes pratiques agricoles, au classement, au tri, à la torréfaction, au broyage et à la dégustation du café.
Depuis lors, la coopérative a connu une trajectoire ascendante. Grâce aux fonds de la prime équitable Fairtrade et à des ressources supplémentaires provenant d’autres partenaires de développement, un petit laboratoire de café a été équipé des outils et du personnel nécessaires. Les membres de la coopérative ont commencé à consommer leur propre café. Plus tard, le café moulu a été vendu aux membres, à la communauté environnante et aux visiteurs qui venaient à la coopérative, et ce jusqu’à ce que la demande augmente progressivement. Tout au long de cette période, Kibinge a sollicité des commentaires sur son produit, ce qui l’a conduite à améliorer son emballage pour conserver plus longtemps la fraîcheur du café tout en préservant son goût et sa qualité. En 2018, Kibinge a obtenu la certification nationale du Bureau national des normes de l’Ouganda, ce qui lui a valu d’être reconnue comme produit répondant aux normes du marché. Plus tard, la coopérative a obtenu un code-barres, lui permettant de placer le café Kibinge sur les tablettes des supermarchés du pays.
Selon Doreen Mirembe, responsable marketing chez Kibinge, 120 supermarchés en Ouganda proposent le café Kibinge : « Les supermarchés sont répartis dans les principaux districts comme Jinja, Masaka, Kampala et Mbarara. Nous devons maintenant nous implanter dans d’autres régions du pays », dit-elle. Senana Hypermarket, Tuskys supermarkets, Smart Shoppers — Masaka, Outlet et Urban Square Supermarkets sont quelques-uns des principaux points de vente qui proposent la marque locale.
La technologie à la hauteur
Dans le cadre de sa stratégie de marketing, Kibinge maintient des plateformes de médias numériques dynamiques qu’elle utilise pour populariser davantage la marque de café locale. Grâce à Facebook et à une ligne WhatsApp dédiée, les acheteurs peuvent passer leurs commandes et se faire livrer le café à l’endroit de leur choix. En tant que marque locale, le café Kibinge fait sans aucun doute face à la concurrence acharnée de marques internationales plus établies. Cependant, la Kibinge Coffee Farmers’ Co-operative Society est restée fidèle à sa mission qui consiste à voir davantage d’Ougandaises et d’Ougandais boire leur propre café. En novembre 2019, la coopérative a commencé à vendre son café sur Jumia — un marché en ligne de premier plan opérant en Afrique.
Adhérer à la plateforme en ligne faisait partie de la stratégie marketing de Kibinge, « être présent sur Jumia a augmenté notre visibilité. Au départ, les consommatrices et les consommateurs ne commandaient que de petites quantités (50 g). Maintenant, nous recevons des commandes plus importantes parce que les acheteurs ont échantillonné le produit et lui ont attribué cinq étoiles », explique Doreen.
« La plupart des acheteurs sur la plateforme en ligne sont localisés à Kampala, où sont centralisées nos opérations dans le pays. Cela s’est avéré pratique, surtout pendant la pandémie de la COVID, car les clients peuvent acheter des articles ménagers en plus de leur café et se le faire livrer à leur domicile », ajoute-t-elle. Malgré ses réalisations, le cheminement de Kibinge se heurte à plusieurs obstacles, surtout maintenant que l’Ouganda, aux côtés du reste du monde, est confronté à la perturbation économique résultant de la COVID-19. « À un moment donné, certains supermarchés ont cessé de stocker notre café parce qu’ils préféraient avoir des produits alimentaires essentiels que consomment les Ougandaises et les Ougandais ordinaires. Pour eux, le café est un produit de luxe. La fermeture du pays a également eu pour conséquence de maintenir trop longtemps le café sur les tablettes des supermarchés, alors qu’il s’agit de notre principal canal de distribution. En plus, ce ne sont pas tous nos clientes et nos clients qui utilisent le marché en ligne, donc seuls les rares qui le font peuvent accéder au café pendant le confinement », explique Doreen.
Une source d’inspiration pour les productrices et les producteurs de café
Néanmoins, Kibinge, qui vend également des grains de café torréfiés aux restaurants de Kampala, est déterminée à poursuivre le développement de sa marque de café. « Ensuite, nous voulons explorer les marchés extérieurs et, à ce titre, exporter le café à valeur ajoutée en gros volumes tout en augmentant les ventes locales par le biais de plateformes en ligne, de franchises et d’autres moyens », a déclaré M. David Lukwata, directeur général de la coopérative. « L’autre étape consiste à obtenir le label Fairtrade et à redoubler d’efforts sur les plateformes numériques, car les achats en ligne deviennent la nouvelle norme », ajoute-t-il.
Concernant les avantages tirés de la valeur ajoutée, M. Lukwata indique que la coopérative Kibinge a instauré une source de revenus supplémentaire grâce à laquelle les agricultrices et les agriculteurs ont l’assurance que leur café obtiendra à l’avenir de meilleurs prix s’il est vendu en plus grande quantité sous forme de produit fini. Il conseille aux autres coopératives qui cherchent à s’aventurer dans la valeur ajoutée d’être attentives à la qualité et à la manipulation de leur café, « donnez également une image de marque à votre café, car cela aussi en dit long », conclut-il.
Kibinge est l’une des organisations productrices de café Fairtrade qui cherche à générer plus de valeur pour son café. Parmi les autres, citons la Machakos Co-operative Union au Kenya et les sociétés ougandaises Banyankole Katweerana, Ankole Coffee et Kibinge qui ont lancé conjointement le café Butonde (100 % robusta) en 2019. En Éthiopie, la création d’une installation de transformation du café est en cours à la Yirgacheffe Coffee Farmers » Cooperative Union, qui cherche également à s’aventurer dans la valorisation du café.