Regardons de plus près l’industrie du cacao d’aujourd’hui
Robert Desson est le gestionnaire de compte chez Fairtrade Canada. En démontrant la valeur ajoutée d’être une marque Fairtrade ici au Canada, il encourage les entreprises à s’engager davantage dans le système Fairtrade et à promouvoir leur certification équitable. Ceci peut contribuer à des engagements plus forts et à long terme pour soutenir les productrices et les producteurs.
Parlez-nous un peu de ce que vous faites en tant que gestionnaire de compte chez Fairtrade Canada. Votre travail avec les marques, les productrices et les producteurs Fairtrade a-t-il modifié la façon dont vous voyez le chocolat dans votre vie personnelle?
Mon rôle en tant que gestionnaire de compte est de soutenir les entreprises canadiennes dans la croissance de leurs entreprises et dans la vente de leur offre Fairtrade. En plus d’explorer les moyens de favoriser la croissance de nos marques Fairtrade, au moyen de nouvelles opportunités commerciales et de marketing, j’encourage également les entreprises à participer au Mois du commerce équitable. Nous travaillons avec des marques, des détaillants, des distributeurs et les programmes équitables canadiens afin de sensibiliser les consommatrices et les consommateurs au mouvement Fairtrade et à notre travail pour la justice commerciale.
Le chocolat Fairtrade fait partie de ma vie depuis un certain temps déjà, mais le fait d’avoir la chance de travailler au sein de cette organisation m’a permis de comprendre et d’interagir pleinement avec les chaînes d’approvisionnement du cacao. J’ai acquis une meilleure connaissance des problèmes liés au travail des enfants et à l’esclavage moderne présents dans l’industrie du cacao, puis en dehors du travail, avec mes amis et ma famille, je n’hésite pas à en parler. Un autre changement que j’ai remarqué depuis que je travaille chez Fairtrade Canada, c’est que je trouve cela difficile de me promener dans l’allée des chocolats sans repérer les marques Fairtrade en stock, même lorsque je n’achète pas de chocolat!
Nous savons que 70 % des fèves de cacao du monde entier proviennent de l’Afrique de l’Ouest. Quelle est la situation actuelle dans des pays producteurs comme la Côte d’Ivoire et le Ghana? Et alors que nous entrons dans le quatrième mois de la pandémie mondiale que représente la COVID-19, avons-nous une meilleure idée de la manière dont celle-ci a affecté les productrices et les producteurs de cacao et quels peuvent en être les impacts à long terme ?
Les impacts de la COVID-19 sont malheureusement en constante évolution. Si le Ghana et la Côte d’Ivoire ont tous deux enregistré un nombre relativement faible de cas et de décès dus à la COVID-19, il n’y a aucun moyen de dire si une épidémie importante se produira ou non dans les mois à venir. Cela rend les conséquences à long terme très difficiles et imprévisibles pour les productrices et les producteurs de cacao.
La plupart des organisations de petits producteurs et productrices (SPO) viennent de terminer de remplir les contrats préexistants pour la saison 2019-2020, mais il se pourrait que la situation actuelle affecte les volumes prévus pour la prochaine saison. De plus, bien que la demande de chocolat soit restée stable ici au Canada, de nombreuses entreprises du monde entier utilisent du cacao dans de nombreuses catégories de produits. Toutes sont touchées de manière différente par la pandémie, et c’est pourquoi il est plutôt difficile de prévoir quels seront les contrats pour la saison 2020-2021.
Pour l’instant, Fairtrade a annoncé le lancement d’un Fonds d’aide aux productrices et aux producteurs Fairtrade et la création d’un Fonds de résilience destiné aux productrices et aux producteurs Fairtrade. Le Fonds d’aide aux productrices et aux producteurs Fairtrade est alloué aux trois réseaux de productrices et de producteurs afin de fournir un soutien immédiat aux productrices et aux producteurs qui en ont le plus besoin, tandis que le Fonds de résilience destiné aux productrices et aux producteurs Fairtrade est conçu pour relever les défis à long terme auxquels les productrices et les producteurs pourraient être confrontés à la suite de la COVID-19.
Malgré les circonstances, nous constatons déjà de brillants actes de soutien communautaire de la part des coopératives de cacao. Certaines d’entre elles utilisent leur prime équitable Fairtrade pour fournir du savon, du désinfectant et des masques aux communautés environnantes.
Alors que la pandémie continue à se faire sentir au quotidien, Fairtrade International et les organisations de productrices et de producteurs continueront à assurer un suivi et à nous tenir informés de leurs observations.
Quel est le rôle de Fairtrade dans le soutien aux productrices et aux producteurs de cacao d’Afrique de l’Ouest et comment Fairtrade a-t-il travaillé avec les productrices et les producteurs pour assurer un revenu vital aux agricultrices et aux agriculteurs?
En 2016, Fairtrade a lancé le programme Cacao Afrique de l’Ouest (WACP), qui vise à créer des organisations de petits producteurs et productrices (SPO) solidaires et organisées. Ce programme contribue à développer des engagements et des partenariats à long terme avec des partenaires commerciaux. Avec le plein soutien de Fairtrade Africa et des SPO, le programme offre des sessions de formation de groupe pour aider les SPO à maintenir leur certification Fairtrade et à s’assurer qu’ils sont en conformité avec les normes pertinentes. En 2019, 34 419 membres et cadres ont participé à ces formations, soit une augmentation de 38 % par rapport à 2018.
En 2017, Fairtrade a développé une stratégie de revenu de subsistance qui vise à fournir aux agricultrices et aux agriculteurs un revenu suffisant pour leur permettre d’avoir un niveau de vie décent. Après avoir évalué les coûts et les besoins des productrices et des producteurs de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana, Fairtrade a mis au point un prix de référence du revenu de subsistance qui calcule le montant nécessaire pour que les agricultrices et les agriculteurs puissent gagner un revenu de subsistance. Tout en aidant les agricultrices et les agriculteurs à mieux comprendre leurs coûts de production, les pratiques agricoles durables et les avantages d’une organisation de petits producteurs et productrices (SPO) bien gérée, la stratégie vise à aider les agricultrices et les agriculteurs à élaborer des programmes et une planification à long terme afin de gérer un modèle commercial plus efficace, productif et rentable.
Parallèlement, Fairtrade International et les organisations nationales Fairtrade (NFO) continueront à plaider et à travailler aux côtés des gouvernements, des entreprises aux vues similaires et de la société civile afin que le versement d’un revenu aux agricultrices et aux agriculteurs devienne la norme. Le contexte actuel de la COVID-19 met en évidence l’importance du programme WACP et du travail en faveur du revenu de subsistance.
Puisque les deux programmes fonctionnent parfaitement en tandem, nous comptons bien faire état de nouveaux progrès vers un revenu de subsistance et des SPO plus solides dans les années à venir.
Les inégalités entre les sexes constituent un autre volet du travail de Fairtrade dans le secteur du cacao. Nous savons que les femmes se heurtent à de nombreux obstacles lorsqu’elles essaient de devenir des leaders dans les communautés locales. Comment Fairtrade relève-t-il ce défi?
Malgré leur forte présence et leur rôle dans l’agriculture, de nombreuses femmes ont souvent moins accès à la formation, au crédit, à l’information et à la propriété foncière, ce qui rend plus difficile pour les femmes d’occuper des postes de leader au sein d’entreprises. Cela ne fait que perpétuer le cycle de la dévalorisation des femmes et des déséquilibres entre les sexes au sein des communautés agricoles.
Fairtrade travaille activement contre la discrimination et les inégalités entre les sexes afin d’encourager l’autonomisation des femmes et leur permettre de jouer un rôle de premier plan. Les normes Fairtrade interdisent déjà les éléments suivants : la discrimination fondée sur le sexe ou le statut marital, les comportements sexuellement intimidants ou abusifs et les tests de grossesse lors du recrutement. Au-delà des normes Fairtrade, on trouve des projets financés par la prime équitable Fairtrade, mis en place uniquement pour soutenir les femmes entrepreneurs et encourager leur autonomisation.
Néanmoins, les normes Fairtrade ne sont que les étapes minimales et les éléments de base adoptés en vue de l’égalité des sexes. En plus de notre stratégie de revenu de subsistance encourageant l’égalité des sexes et la prise de décision, Fairtrade a lancé l’École de leadership des femmes (WSOL) en 2016. Ce programme, qui fonctionne maintenant dans plusieurs pays, est une formation d’un an où les femmes, comme les hommes, apprennent les défis auxquels les femmes sont confrontées dans l’industrie du cacao et des compétences commerciales essentielles telles que la finance, la négociation et la prise de décision en groupe. Le programme est actuellement mis en œuvre en Côte d’Ivoire où les diplômées de l’école ont déjà été élues à des postes de comité et sont devenues des militantes pour l’égalité des sexes au sein de leurs communautés et coopératives.
Avec un intérêt et un nombre croissant de participantes et de participants chaque année et afin de continuer à stimuler l’autonomisation des femmes dans l’ensemble du système Fairtrade, il est prévu de lancer de nouvelles écoles dans différents pays et lieux.