Comment passer de la remise en question de l’égalité des sexes à la garantie que les femmes sont vraiment incluses ?

par Pippa Rogers

Par Arisbe Mendoza Escalante, Directeur de l’impact globale, Fairtrade International

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, il est important de reconnaître que nos économies et nos communautés à travers le monde dépendent des femmes et de leur capacité à réaliser pleinement leurs droits et leur potentiel.

Les femmes du Sud jouent un rôle énorme dans l’agriculture, mais sont désavantagées par rapport à leurs homologues masculins. Alors que les impacts économiques étendus de la COVID-19 continuent de se faire sentir à l’échelle mondiale, il y a un risque que cet écart augmente encore plus. Par exemple, les femmes qui travaillent dans des fermes de fleurs au Kenya ont vécu des mises à pied massives ou des baisses de salaires, tandis que les coûts du logement et des produits de base ont augmenté, de même que les coûts et les obligations liés à l’enseignement à domicile.

Des interventions immédiates sont nécessaires pour s’assurer que les familles traversent cette période difficile. À plus long terme, les gouvernements, les entreprises et d’autres doivent passer à l’action, non seulement pour contester les préjugés sexistes et adopter des politiques sur l’égalité des chances pour les femmes, mais aussi pour s’assurer que les femmes puissent réellement réclamer leur siège à la table et dans des postes de direction.

Selon l’expérience des agricultrices et travailleuses Fairtrade, voici cinq points de vue pertinents pour faire progresser l’inclusion des femmes dans le commerce mondial.

Réduire les obstacles à la participation des femmes, en plus d’assurer la non-discrimination.

Fairtrade établit des exigences pour garantir les droits clé des agricultrices et des travailleurs. En ce qui a trait aux femmes, elles incluent l’absence de discrimination, la tolérance zéro à l’égard du harcèlement et de la violence fondée sur le sexe, et d’exiger les coopératives d’agricultrices et d’agriculteurs de se doter d’une politique de genre affirmant leur engagement envers l’égalité des sexes et des efforts spécifiques pour renforcer la participation des femmes, leur rôle au niveau de la direction et plus encore.

Même si les coopératives ont des politiques sur l’égalité des sexes et la non-discrimination, les femmes sont toujours confrontées à des obstacles pour devenir membre.

Selon une étude que nous avons publiée récemment pour évaluer les progrès réalisés dans les efforts en faveur de l’égalité des sexes, certains obstacles communs comprennent : le manque de propriété foncière, le manque d’accès aux capitaux et les rôles de genre en matière de tâches ménagères et de garde d’enfants qui prennent beaucoup de temps.

Ces obstacles doivent être abordés. Par exemple, certaines coopératives Fairtrade essaient des modèles d’adhésion qui incluent tout un ménage plutôt que seulement le chef de famille, ou elles renoncent aux exigences de propriété foncière pour les femmes. Les appareils d’économie de main-d’œuvre comme les poêles à biogaz achetés dans le cadre du programme Growing Women in Coffee de Fairtrade au Kenya réduisent le temps que les femmes doivent consacrer à la collecte de bois de chauffage et à la cuisine.

Il n’y a pas que les organisations membres qui peuvent faire mieux. Dans les plantations de thé en Inde et au Sri Lanka, une autre étude récente que nous avons commandée a révélé que les femmes font face à des défis culturels et logistiques pour participer ou occuper des postes de direction au sein de leurs syndicats. Les milieux de travail peuvent offrir des services de garde d’enfants et des formations professionnelles pour les femmes, tandis que les syndicats peuvent chercher des moyens de faciliter la participation des femmes de manière significative.

Être représenté compte.

Les organisations de productrices et producteurs Fairtrade ont mis en place avec succès des comités de femmes ou d’autres entités qui permettent aux femmes de soulever des problèmes spécifiques et de les faire adopter par l’organisation dans son ensemble. Toutefois, il est également important que les femmes soient représentées dans des postes de pouvoir traditionnellement occupés par des hommes.

Chacune des six coopératives présentées dans notre étude sur le genre comprend des femmes qui occupent des rôles de direction élus, y compris à titre de membres du conseil d’administration. C’est important que la voix des femmes ne soit pas considérée comme cloisonnée dans certaines voies de participation, et que davantage puisse être fait pour accroître la représentation des femmes.

Former les femmes à devenir des leaders – et aussi investir en elles.

Les écoles de leadership des femmes de Fairtrade dans des pays tels que El Salvador, la Côte d’Ivoire, le Kazakhstan et l’Inde ont accru la confiance en soi des femmes, ainsi que leurs connaissances sur l’égalité des sexes et les compétences techniques en agriculture. Selon notre étude, le plus réussi de ces programmes implique non seulement la formation, mais aussi l’investissement pour surmonter les obstacles auxquels les femmes sont confrontées pour développer leurs entreprises ou accéder aux marchés pour leurs cultures.

Par exemple, certaines coopératives de cacao Fairtrade en Côte d’Ivoire ont utilisé leur prime équitable Fairtrade pour investir dans d’autres activités génératrices de revenus telles que la culture d’autres cultures pour la vente sur leurs marchés locaux, l’élevage de poulets ou d’autres entreprises non agricoles.

Des progrès à court terme peuvent être réalisés, tout en reconnaissant la nécessité de changements systémiques à long terme.

Bien que la plupart des femmes ne sont pas propriétaires de leur propre terre dans les régions productrices de café du Kenya, le programme Growing Women in Coffee de Fairtrade a contourné ce problème. Afin de participer au programme, les hommes ont transféré au moins 50 caféiers à leur femme pour gérer. En outre, les femmes ont reçu une formation sur les bonnes pratiques agricoles et ont également été soutenues pour développer leur propre capacité de torréfaction et créer leur propre marque de café de spécialité – la première marque de café cultivée par des femmes à être vendue au Kenya était nommée Zawadi ou « cadeau » en swahili. Les résultats étaient si impressionnants que certains hommes ont transféré jusqu’à 300 caféiers à leurs épouses. De telles stratégies peuvent être efficaces, tandis que des travaux sont faits pour apporter des changements à plus long terme aux normes juridiques et culturelles.

Engager les hommes en tant que champions de l’équité entre les sexes.

Les trois réseaux régionaux de productrices et producteurs Fairtrade ont intensifié les formations sur l’égalité des sexes afin d’éduquer les hommes et les femmes sur les principes de l’égalité des sexes, ainsi que sur la façon d’adopter des politiques qui les mettent en pratique au sein de leurs organisations. Ces formations tentent également de changer les comportements à la maison, afin que les maris et leurs femmes discutent ensemble de leur agriculture, leurs dépenses et leur prise de décision.

De tels changements prennent du temps et nécessitent l’adhésion des communautés en général, mais Amah Kouao, une productrice de cacao en Côte d’Ivoire et diplômée de l’École des femmes de leadership, est optimiste. « Après avoir terminé la formation, j’ai demandé à mes fils une réunion de famille. J’ai dit à mes fils comment ils devaient maintenant se comporter. (…) J’étais une femme timide qui ne pouvait pas parler, mais aujourd’hui, je suis très puissante. Maintenant, quand je ne suis pas disponible pour une rencontre, ils l’annulent. Je forme d’autres femmes chaque semaine par l’entremise de groupes communautaires afin de partager les connaissances avec lesquelles j’ai été habilité.

Compte tenu du rôle crucial que jouent les femmes dans leur famille, leur économie domestique et leur communauté, il est essentiel que les progrès vers l’égalité des femmes ne fait pas marche-arrière. Nous devons écouter les femmes et nous engager dans des efforts qui élargissent l’autonomisation et les opportunités économiques pour les femmes et les filles et soutenir leur pleine inclusion, si nous voulons parvenir à un avenir plus durable.

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