Café : or noir et récit d’une exploitation
La culture du café est profondément enracinée; nul ne sera surpris d’apprendre qu’il s’agit de la seconde boisson la plus consommée dans le monde. Aujourd’hui, les cafés indépendants ne cessent de se multiplier et la demande en grains de café de grande qualité ne cesse d’augmenter, faisant du café une industrie de plusieurs milliards de dollars. En 2017, ici au Canada, 85 % des Canadiennes et des Canadiens * âgés de 18 à 79 ans disent boire du café.
Toutefois, notre « or noir » que l’on aime tant a aussi un côté sombre qui se déroule loin du va-et-vient des cafés. Voilà trois semaines, à la bourse de New York et selon un indicateur mondial du prix du café, le prix du café arabica a chuté sous la barre du 1 $ US/lb pour la toute première fois en 12 ans, clôturant à 0, 975 $ US/lb le 20 août 2018. Le prix du café ne cesse de reculer*, mettant en péril la stabilité déjà fragile de 25 millions de familles agricoles, partout au monde.
Des représentantes et des représentants de l’industrie du café du Brésil et de la Colombie, soit les plus importants producteurs de café arabica au monde, ont publié une déclaration commune * pour déplorer le scénario dévastateur qui se déroule sur le marché mondial du café et pour attester le fait que les agricultrices et les agriculteurs sont forcés de vendre leur café bien en deçà du coût de production.
En plus des coûts de production qui sont à la hausse, s’ajoutent les changements climatiques et les modèles climatiques imprévisibles* qui réduisent le nombre de terres agricoles adaptées à la production de café de qualité. Compte tenu de ces nombreux défis à relever, plusieurs jeunes quittent la ferme familiale*. D’ailleurs, la volatilité du marché du café amène maintes personnes à se questionner sur l’avenir des productrices, des producteurs et de l’industrie.
Durabilité est un mot qui a la cote et des entreprises labélisent vivement leur café de sceaux et de certifications qui vantent l’engagement en faveur de la durabilité. Et quoique plusieurs entreprises prennent des mesures au nom de la durabilité, ces initiatives sont annihilées par les pratiques commerciales qui caractérisent le marché du café. Une étude parue récemment, Coffee Barometer* arrive à la même conclusion. De la valeur totale du café (environ 200 milliards de dollars en 2015), seuls 10 % demeurent dans les pays d’origine.
En acceptant de payer des prix trop bas, l’industrie du café est au moins en partie responsable des enjeux qui relèvent des droits de la personne comme la pauvreté, le travail des enfants, de piètres conditions de travail sans oublier les dommages environnementaux. Lors de discussions qui portent sur le sujet de la durabilité, il est tabou de parler de « prix décent ». L’industrie refuse manifestement de s’engager à offrir des prix décents aux agricultrices et aux agriculteurs. Au Canada, Fairtrade, qui est la seule certification à exiger un prix minimum pour le café (1,40 $ US/lb plus 0,20 $/lb pour la prime sociale), obtient une part de marché légèrement sous la barre du 5 %.
Sommes-nous réellement à l’aise d’acheter nos lattés sachant que les productrices et les producteurs de café ne bénéficient pas de garantie de prix ? Nous devons ouvrir les yeux et exiger que les productrices et les producteurs de café obtiennent un prix qui couvre les coûts d’une production durable. Ils ne doivent pas être tenus en otage par un prix de marché essentiellement injuste. Dorénavant, les marques de café, les supermarchés et l’industrie doivent se prendre en main de façon structurelle et modifier leurs politiques d’achat.
Image par Sean Hawkey montre Óscar Ortiz portant un sac de café à la Coop certifiée Fairtrade Anserma à Caldas, en Colombie.