Modeler l’avenir de l’industrie de la banane
Habituellement, à la fin d’un large événement, il y a une période de repos et d’estimation une fois que la « poussière est retombée ». Le mois dernier, Equifruit a organisé les réunions du Forum mondial de la banane (FMB) à Montréal, mais ceux et celles qui cherchent la poussière en train de retomber seront extrêmement déçu(e)s : imaginez plutôt une salle remplie de personnes, issues de vastes segments de l’industrie mondiale, cherchant à remuer et à faire s’envoler la poussière qui recouvre la façon dont l’industrie de la banane fonctionne depuis plus de cent ans.
Qui est le FMB? Il s’agit d’un groupe mondial d’intervenant(e)s de l’industrie de la banane, commençant avec des syndicats de travailleuses(eurs) en Amérique centrale et passant par les plus grands détaillants d’Europe et les petits distributeurs basés sur des valeurs telles qu’Equifruit et en allant jusqu’aux multinationales de la banane. Tous ces acteurs ont convenu de travailler ensemble pour s’attaquer aux problèmes de développement durable les plus pressants auxquels le secteur est confronté. Leurs efforts sont organisés en trois groupes de travail, traitant des problèmes environnementaux, économiques et sociaux. Le FMB est géré par une agence spécialisée de l’ONU, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, avec ses bureaux à Rome.
En tant que seul membre canadien du FMB, voici le point de vue d’Equifruit sur ce qui s’est passé lorsque le groupe Répartition de la valeur le long de la filière (le groupe sur la durabilité économique) s’est réuni :
Le 9 octobre : Equifruit a organisé un tour du marché canadien/de la vente au détail pour aider les participants à se familiariser avec le contexte nord-américain. Nous avons visité le centre de distribution de Sobeys au Québec et avons discuté avec Richard Lagacé des engagements de Sobeys en matière de commerce équitable, avant de nous rendre dans trois épiceries différentes, couvrant le spectre complet, du haut de gamme aux épiceries à rabais. Nous avons terminé la journée par un tour de Canadawide, où Ron Lemaire (directeur général, ACDFL), Les Mallard (président, ACDFL) et Pamela Riemenschneider (rédactrice en chef, Produce Blue Book) nous ont présenté leur point de vue sur la durabilité, les bananes… et la tarification de la banane.
10 octobre : Nos réunions ont porté sur les salaires décents, les coûts de la production durable et la transparence de la chaîne d’approvisionnement, animées par des membres de la société civile tels que la Global Living Wage Coalition et Fairtrade International. Nous avons parlé des méthodologies du salaire décent, de l’analyse comparative, des comparaisons entre pays concurrents et des implications à la fois dans la chaîne de valeur et parmi les pays producteurs. Il semblait y avoir une volonté réelle autour de la table d’aller de l’avant et Iris Munguia, présidente de COLSIBA (l’organe de coordination des syndicats de travailleurs de la banane en Amérique latine) – et une vétérane de 20 ans de l’emballage de bananes – nous a rappelé à qui les salaires dont nous discutions appartenaient réellement, de peur que nous tombions dans la théorie et oublions les implications réelles de ce travail.
11 octobre : la discussion s’est déplacée vers la mise en œuvre du salaire décent – mais un large consensus s’est fait sur le fait que nous aurions besoin d’un accord le long de la chaîne d’approvisionnement. Des productrices et producteurs du Costa Rica et de l’Équateur ont exprimé leur inquiétude devant le fait que les détaillants leur imposaient des exigences de durabilité sans augmenter les prix, et que les salaires décents, en tant que partie importante de la structure de coûts d’un(e) producteur(trice), devraient se traduire par des prix plus élevés au détail, accompagnés par une éducation étendues des consommatrices(eurs). Nous avons élaboré un plan initial de mise en œuvre du salaire décent et de participation du gouvernement et des détaillants, qui sera présenté lors du prochain comité directeur du FMB, prévu pour la fin du mois de novembre 2018.
Alors, qu’est-ce qui sort de ces réunions? Beaucoup se passe de manière informelle, telle que le partage et la comparaison d’informations. Un exemple : un producteur équatorien est rentré chez lui de Montréal et a rapporté à son association de l’industrie qu’il avait entendu dire qu’un large détaillant allemand avait déclaré qu’il paierait 1 $ USD de moins par caisse en 2019. En quelques jours, l’AEBE (Association équatorienne des exportateurs de bananes) a publié une lettre ouverte, signée par 32 de ses membres, condamnant cette décision : « En tant qu’industrie, nous refusons de revenir en arrière sur nos efforts en matière de développement durable en raison du manque de compréhension de l’ensemble de l’industrie par le dernier maillon de la chaîne commerciale. Nous exhortons les autres détaillants à ne pas suivre ces exigences insensées en matière de réduction de prix et nous demandons au publicconsommateur de faire entendre votre voix. » Le Costa Rica, le Guatemala et la Colombie ont fait de même depuis.
Il y a aussi des engagements plus formels. Tesco, le plus grand détaillant du Royaume-Uni, était présent à nos réunions à Montréal – et a activement participé aux discussions sur le salaire décent. À travers sa participation au FMB, ce détaillant pris l’engagement, en 2014, de verser un salaire décent sur toutes les plantations de bananes qui étaient des fournisseurs uniques de Tesco. À la mi-septembre 2018, ils ont eu le courage – sur un marché extrêmement concurrentiel – d’augmenter le prix de leurs bananes en conséquence.
Equifruit s’emploie à amener les détaillants canadiens à réfléchir à la durabilité de leur chaîne d’approvisionnement en bananes et à participer au travail du FMB. Ne seriez-vous pas prêt à payer plus pour une banane si vous saviez que les travailleuses et les travailleurs sont payés équitablement? Chez Equifruit, nous sommes déterminés à atteindre cet objectif et nous recherchons des compagnons de voyage. Qui est prêt à se joindre à nous? 😊